Farrûkh a grandi dans une famille dont le père, illettré, travaillait à l’entretien des ustensiles de cuivre. Al-Jumayyil cassait les cailloux sur les routes de la montagne et étudiait comme il pouvait pour devenir pharmacien. Wahba, fils d’instituteur, passionné par l’art, vend sa modeste part de la maison paternelle pour se consacrer à l’unique objet de sa passion. Il y aurait beaucoup à dire sur la vie de privations qu’ils ont menée et sur leur acharnement à se perfectionner dans le métier.
Al-Duwayhi inaugure sa carrière par la décoration de l’église patriarcale de Dîmân et la peinture des villageoises et des montagnards, se déprend sans tarder de tout cela (1950) pour se lancer dans l’expérience complexe de l’art informel.
Al-Jumayyil, montagnard lui aussi et créateur de la toile historique La Bataille de ’Anjar, adopte pour peindre la nature un style poético-subjectif qui oblitère chez lui les traits authentiques de son milieu. Comme al-Salîbi, il s’adonne finalement au portrait et peint un grand nombre de nus.
Trois Beyrouthins se sont consacrés à peindre les paysages de la côte et de la montagne libanaise : Farrûkh, Wahba, al-Unsi. Ils ont laissé aux générations futures des tableaux où sont peints amoureusement chaque colline, chaque pierre ou arbre du paysage libanais. Images du Liban rural qui, en restituant fidèlement le cadre géographique, évoquent le Liban d’autrefois, portraits d’autochtones au costume local si chargé de tradition et d’histoire.
Avec ces artistes dont le rôle a été de poursuivre l’œuvre de la renaissance artistique sur des bases nouvelles, l’enseignement de l’art fait son entrée dans les établissements scolaires et la culture artistique commence à se frayer un chemin dans le grand public. En 1923 est fondé le Comité des amis des musées nationaux et des sites archéologiques. Les années 30 ont vu l’apport de nouveaux éléments qui ont puissamment contribué à populariser l’art dans le Liban d’aujourd’hui. Il y a d’abord la fondation en 1937 de l’Académie des Beaux-Arts qui attire aussitôt à elle à la fois les maîtres classiques et modernes, libanais, français et italiens. Cette fondation avait été précédée d’une série d’expositions encouragées par les autorités du Mandat français, désireuses de mettre en valeur l’aspect culturel et civilisateur de la politique française. Beyrouth se trouve alors au milieu d’un mouvement culturel et artistique animé par des artistes et des amateurs libanais ou venus de France et d’autres pays.
Parmi les premières expositions organisées entre 1930 et 1960, il convient de noter :
Ainsi presque toute la génération d’après-guerre éprouve une sorte de déracinement et a l’impression d’être étrangère dans son propre pays ! Certains de ces artistes étaient plus des coloristes que des peintres. Ainsi Michel al-Mîr (1930-1970), après avoir vécu toute sa carrière aux prises avec la ligne du dessin, a connu une fin lamentable.
La caractéristique de cette génération est celle d’un art d’étude et de recherche. Il faut néanmoins préciser que certains artistes, après avoir été emportés dans le tourbillon de l’art occidental et avoir goûté l’amertume du désarroi et du déracinement, ont pu finalement surmonter cette épreuve. D’autres sont restés à peu près en dehors de ce bouleversement grâce à leur solide formation classique de base, acquise dans les ateliers de leurs aînés des deuxième et troisième générations et à l’Académie libanaise des Beaux-Arts.