Peut-on prétendre séjourner dans la mystique - et mythique - vallée Qadisha sans auparavant avoir visité le village qui a vu naitre le légendaire saint Charbel, l'un des plus grands saints célébrés au Liban ?
Quiconque voyage au pays des cèdres pourra attester de l’omniprésence de Saint Charbel dans le cœur de nombreux Libanais. Les icônes le représentant sont affichées fièrement sur les devantures des magasins en signe de bonne fortune, à l’avant des voitures pour protéger les conducteurs, ou encore sur les murs des maisons pour bénir les familles qui y vivent. Si la communauté chrétienne maronite est la plus encline à célébrer les miracles de Youssef Antounl Makhlouf (nom de naissance de Saint Charbel), sa réputation a depuis bien longtemps dépassé les frontières confessionnelles pour devenir une fierté nationale.
Ce jour-là, nous décidons ainsi d’aller à la rencontre de cette figure emblématique de la région en nous dirigeant vers Bekaa Kafra.
Le village culminant à plus de 1800 mètres, l’ascension est périlleuse. À mesure que nous approchons de notre destination, Walid, notre chauffeur de taxi, se signe à chaque fois que nous croisons sur la route une statue ou tout objet à caractère religieux. C’est-à-dire souvent.
Notre première étape nous mène à la maison dans laquelle Youssef Antoun Makhlouf a vu le jour le 8 mai 1928.
Un simple coup d’œil sur la vue qui s’offre à nous nous fait penser que ce village, pourtant modeste à première vue, s’est bel et bien attiré les faveurs divines. Les toits des maisons côtoient un ciel d’un bleu immaculé et le parfum de l’encens embaume les ruelles environnantes. A nos pieds, la vallée Qadisha s’étend, paisible et sauvage, illuminée par un rayon de soleil qui transperce le paysage.
Au niveau inférieur de la maison, une pièce retrace les miracles qui ont rendus saint Charbel si célèbre. Les récits de guérisons miraculeuses sont encadrés aux côtés des nombreux remerciements provenant des fidèles qui sont venus prier en ces lieux.
L’étage du dessus compte pas moins de trois chapelles. La première, construite dans un style très moderne, ornée de baies vitrées, offre une vue imprenable sur la vallée. La seconde, décorée entièrement sur des tons jaunes et oranges, abrite un habit maculé du sang du père Charbel et d’autres reliques lui ayant appartenues.
Lorsque nous pénétrons enfin dans la troisième, nous sommes frappés par la modestie du décor comparé aux deux autres chapelles. Seul un petit autel en bois, une croix accrochée au mur et quelques icônes étoffent quelque peu la sobriété du lieu.
Walid nous fait discrètement signe d’avancer vers le mur de gauche. Nous y découvrons une petite entaille et lui demandons ce qu’il peut bien avoir d’aussi intéressant à admirer un simple trou. Là, les yeux de notre chauffeur s’illuminent. Il brandit son pouce qu’il agrippe sur l’entaille, fait un signe de croix puis le porte à sa bouche. Sans qu’il connaisse réellement l’origine de ce geste, Walid nous assure qu’il permet à celui qui le fait d’attirer la chance et la bénédiction de Dieu.
Même les murs ont donc une portée divine ici.
Après avoir admiré une dernière fois la vue idyllique, nous descendons pour nous rendre dans la grotte rebaptisée « Saint Charbel » en l’honneur du saint, et qui a été témoin de ses premières prières.
Une statue le représentant agenouillé et priant la vierge se découvre une fois la porte passée. Sur la gauche se trouve une source d’eau bénite autour de laquelle sont disposées des jarres.
La légende raconte que des ouvriers venus restaurer le lieu se retrouvèrent avec une grande soif et aucun moyen d’accéder à de l’eau potable. Sous leurs yeux jaillit alors cette source, qui depuis attirent de nombreux croyants venant demander des grâces à l’illustre saint.
Walid nous conte les nombreux témoignages attestant de guérisons récentes de malades ayant bu l’eau de la source. L’aura de saint Charbel semble encore faire des miracles. Alors allez savoir... avant de partir, nous aussi en buvons une gorgée.