Rima Housseini gère l’hôtel Palmyra à Baalbek depuis 2010. Elle est profondément attachée à la ville et sa région. « J’ai grandi dans Beyrouth, où le bruit est partout. Quand j’ai découvert Baalbek dans les années 80, c’était la première fois que je profitais d’un tel silence la nuit. Je pense que cela vient de la qualité de l’air, très sec. Les bruits s’en trouvent étouffés. »
Rima a découvert la ville en accompagnant son beau-père, alors député, en tant qu’interprète. Dans un Liban en pleine guerre, Baalbek est à l’époque particulièrement calme. « Elle était comme détachée du reste du monde » se souvient Rima. Et en dépit de l’actualité agitée, c’est parfois encore le cas aujourd’hui, ajoute-t-elle, en précisant qu’« on a souvent le sentiment ici d’être hors du temps ».Rima nous incite à profiter de tout ce que Baalbek peut offrir, comme l’artisanat et la cuisine. « J’ai découvert ici un artisanat unique, le tarek, cette technique de broderie à l’aide d’un fil métallique, martelé sur un tissu sombre », raonte-t-elle. « Et puis, il y a la gastronomie : la Sfiha baalbaki (la lahme baajeen locale) : sa saveur est spécifique aux herbes que mangent les moutons dans la région ! Il y a aussi le Ambariss (labneh local), qui se concocte dans des jarres, avec du lait de chèvre selon un processus bien particulier. On en tartine un man’ouchi. Quand je suis à Paris, je vais aux Deux Magots, et je commande un chèvre chaud, il me fait penser à cette recette ! » dit-elle, amusée par ce parallèle. « Et il y a aussi le Kabab Hindi. Ou encore, un plat chaud, qui ressemble à une ratatouille : on rassemble des restes, et on les envoie chez le boulanger. Il les laisse cuire doucement et les prépare à sa façon... C’est du slow cooking ! ».
A Baalbek, il y a bien sûr les fameux temples romains... et l’hôtel Palmyra, monument parmi les monuments, dont les fenêtres donnent précisément sur le célèbre site archéologique. Le mari de Rima, Ali Housseini, originaire de la ville, a repris l’hôtel en 1985. « Mais ce n’est que vers 2010 que j’ai vraiment commencé à m’en occuper, à chercher à l’améliorer, à le ‘‘revisiter’’, pour y apporter davantage de confort. On fait les choses petit à petit. L’enjeu est de ne surtout pas dénaturer l’hôtel sous prétexte de le moderniser. Avec le temps, j’ai compris que ma clientèle se compose en grande partie de visiteurs qui viennent chercher ici des traces du passé, et pas l’expérience d’un classique hôtel 5 étoiles ».
Rima Housseini met aujourd’hui sa passion et son énergie au service de cet établissement, né en 1874 à l’initiative d’un grec de Constantinople : Perikili Mimikakis observait régulièrement les caravanes des pèlerins qui, en route vers les terres saintes, s’arrêtaient devant les temples. Il a eu l’idée de créer pour eux un lieu d’hébergement, offrant une étape bienvenue sur leur route, et donnant sur le gigantesque temple de Jupiter. Autant dire que la vue est unique, le temple de Jupiter étant le plus grand temple romain encore debout dans le monde. L’hôtel s’adressera rapidement à une clientèle de voyageurs et d’explorateurs. « A l’époque, ce sont des nobles, des orientalistes aussi, comme Nerval ou encore Volney, qui affirma à propos de Baalbek que ‘nul n’a le droit de toucher ces pierres que le temps’ » explique Rima. Volney est décédé en 1810 et n’aura pas connu l’hôtel Palmyra. Mais au fil des décennies, une clientèle extraordinaire fera ainsi l’histoire de l’établissement : de Charles de Gaulle au Chah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi, en passant par Atatürk, Albert Einstein ou Jean Cocteau.
« Aujourd’hui, parmi mes clients, beaucoup de visiteurs sont à la recherche de ce passé, du passage de ces personnages et de celui de l’Histoire en général », poursuit Rima, pour qui l’ensemble du patrimoine de la ville de Baalbek fait partie d’un même écosystème, réunissant histoire, tradition, culture... « Par exemple, le festival de Baalbek ne serait pas tout à fait le même sans ce cadre extraordinaire que sont les temples. L’hôtel Palmyra est lui aussi intimement lié à ces monuments, qui constituent pour lui tout un environnement historique et archéologique ».
L’enjeu principal du tourisme dans la région est désormais de s’intégrer dans une ville qui bouge et évolue. « Le tourisme doit générer des retombées positives sur la population locale, qui doit profiter de la venue des visiteurs, du festival, des temples... Elle ne peut pas être isolée de toutes ces activités. Elle doit en bénéficier elle aussi. »