…« Huram roi de Tyr répondit par une lettre qu’il envoya à Salomon… » « J’envoie aussi un fin artiste Huram Abi fils d’une Danite et de père Tyrien. Il sait travailler l’or, l’argent, le bronze, le fer, la pierre, le bois, l’écarlate, la pourpre violette, le byssus, le cramoisi, graver n’importe quoi et tout inventer »
La Bible de Jérusalem, Paris, 1955, Deuxième livre de Chroniques
C’est sur les côtes de Tyr que la couleur pourpre a été découverte en 1400 avant JC. Elle s’est alors développée sur tout le littoral libanais, mais c’est à Tyr que son exploitation a connu un succès international.
Une légende attribue la découverte de la pourpre au dieu Melqart-Heracles : pendant qu’il se promenait sur une plage phénicienne avec la nymphe Tyros, son chien découvrit un coquillage, le murex. Le chien mordit dedans et ses mâchoires prirent une couleur éclatante, inconnue jusqu’alors. Conquise par cette teinte, la nymphe demanda au dieu de lui offrir un vêtement de la même couleur. A l’aide d’un grand nombre de murex, Melqart fit teindre une tunique pour la nymphe.
Cette légende a peut-être un fond de vérité : l’homme politique et écrivain latin Cassiodore (vers 485-580) écrit que la découverte de ce coquillage revient bien à un chien : alors que l’animal était en train de se régaler de ces mollusques sur une plage de Tyr, ses dents devenues rouges ont intrigué un groupe de pêcheurs phéniciens. C’est comme ça que les Phéniciens comprirent que le murex contenait un liquide colorant, qu’ils pourraient utiliser pour colorer la laine.
Cette substance servait donc à teindre les tissus (laine, coton, lin) et les cuirs. Les coquillages étaient recueillis en mer au début du printemps, durant la période de reproduction et avant la période de ponte. Transportés sur la rive où on les transvasait dans de grandes cuves, ils étaient sortis de leurs coquilles et laissés à pourrir. Ensuite, on les écrasait, afin de libérer les pigments colorés qu’ils contiennent. Trois jours après, le liquide obtenu était mélangé avec du sel marin. Dix jours plus tard, la teinture remontait à la surface. Les différentes nuances étaient obtenues en diluant la teinture avec l’eau de mer ou en l’exposant à l’air et à la lumière : l’oxydation du colorant le faisait virer au rouge violacé.
Avant Tyr et Sidon, on utilisait déjà le murex à Ougarit (un royaume situé au nord de l’actuelle Syrie). Mais c’est principalement Tyr qui a fait la réputation de la couleur pourpre, grâce à la précision de ses procédés techniques, qu’il s’agisse de l’extraction de la substance colorante ou des méthodes de passage des étoffes dans la teinture. Grâce à leur qualité, les produits des tisseurs phéniciens jouissaient d’un prestige économique mondial (on parle de la pourpre tyrienne dans des textes aussi divers que l’Ancien Testament ou que ceux de Homère). Naturellement, si certains tissus étaient très coûteux, on pouvait aussi produire des étoffes bien moins chères, notamment en ne les plongeant qu’une seule fois dans la teinture. En tout cas, les navires phéniciens chargés de vêtements et d’étoffes colorés étaient attendus partout dans le monde.
L’importance de cette production poussa les Tyriens à faire du murex l’emblème de leur cité, et à l’illustrer sur les pièces de monnaie.
Plus tard, les Romains choisirent la pourpre comme signe de pouvoir : la toge d’un général victorieux était pourpre, par exemple. Et plus récemment, porter des vêtements de couleur pourpre évoquait encore l’appartenance à une classe sociale élevée.