Moyen de transport autrefois très apprécié des Libanais, le tramway fut le compagnon de tous les jours de toute une génération. Ce mode de transport datait de l’époque du mandat français. Il est resté en service jusqu'à l’éclatement de la guerre civile. Si sa remise en service a souvent fait l’objet de discussions, aucun projet concret n’a encore été lancé.
« Pour moi, c’est comme si c’était hier. Le tramway passait juste par ici », se souvient Salim, 78 ans, qui réside à Dora. « Je prenais le train de Dora jusqu'à la place de la Tour (aujourd’hui nommée Place des Martyrs ndlr) ». Etant donnée la taille du tramway, nombreux sont ceux qui le considéraient comme un authentique train et utilisaient ce mot pour le décrire. Le tramway avait deux lignes : la première allait de Furn Al Chebak à Manar, « près du célèbre restaurant Saroufim », précise George, 80 ans, avec un arrêt à Bab Idriss et à la place des Martyrs. La deuxième allait de Horsh à Basta, via Riad el Soleh et Gemmayzé, pour finalement aboutir à Dora. Le service s’arrêtait à minuit. Ensuite, les wagons étaient garés près de ce qui est aujourd’hui le syndicat des avocats à Al Adlieh.
Le tramway avait sa première classe, « la ‘‘Primo’’ dont le billet était à 10 cents », se souvient George. Dans ladite « Primo », les voyageurs s’asseyaient sur des sièges en osier, alors que des sièges en bois accueillaient les passagers de seconde classe pour 5 cents le billet. On pouvait aussi voyager debout, pour un quart de cent… ou prendre le tramway gratuitement en adoptant une technique très populaire, à savoir s’accrocher à l’arrière du train, en s’arrangeant pour ne pas être vu par le conducteur.
Beaucoup d’incidents se produisaient a bord de cet hôte familier, qui sillonnait les rues de la capitale. George raconte : « Un jour, j’attendais sur le trottoir pour monter dans le tram. Alors qu’un jeune homme en descendait, son sarouel (pantalon traditionnel libanais) s’est pris dans le marchepied. Il a été traîné sur quelques mètres avant que le tramway ne lui arrache son pantalon ! »
Aujourd’hui, certaines parties de la voie ferrée et quelques wagons sont les seuls survivants de qui constituait autrefois le tramway de Beyrouth. Les vieux wagons rouillés stationnent aujourd’hui dans un grand hangar dans la région de Dekwaneh.
Cependant, beaucoup de discussions ont eu lieu sur la question de remettre en fonction le réseau du tramway de Beyrouth. La première fois, ce fut en 1998, quand le projet avait été proposé à une société française, à laquelle on avait demandé de réinstaller le réseau ferré. Mais comme beaucoup de projets au Liban, celui-ci est né timidement et est mort calmement. En 2008, le ministre des Transports publics, Mohamad Safadi, a mentionné le lancement d’un tel projet, qui relierait Tripoli à la Syrie, et Beyrouth à Tripoli. Mais ce projet a été stoppé en raison cette fois de tensions politiques : Damas avait demandé l’embauche d’un entrepreneur syrien pour finaliser l’accord, et étant donnée la situation délicate existant entre les deux pays, le projet devait à nouveau être gelé.
Aujourd’hui, les restes de la voie ferrée attendent de retrouver les roues du « tramway de Beyrouth ». Ce qui est sûr, c’est qu’avec la hausse du prix de l’essence d’une part et l’absence de surface de parking d’autre part, le besoin d’un mode de transport moins couteux se fera bientôt sentir.